Vingt-trois élus du Haut-Rhin ont créé une association pour défendre la liberté de choix des citoyens contre l’installation systématique du nouveau compteur d’Enedis.

« Notre objectif n’est pas de dire qui a raison ou tort. Nous exigeons simplement que la parole de nos concitoyens soit entendue, la propriété privée défendue, et l’intérêt citoyen respecté. C’est notre rôle d’élus« , a d’emblée souhaité clarifier Bertrand Ivain, le maire de Saint-Bernard, au moment où s’ouvrait l’assemblée générale constitutive du Rassemblement d’élus pour les libertés citoyennes alternatives au Linky, la semaine dernière à Burnhaupt-le-Bas. Défendre la liberté de choix du citoyen contre l’installation obligatoire et systématique des compteurs communicants d’Enedis, c’est la raison première de l’association d’une vingtaine de maires, adjoints et conseillers départementaux du Haut-Rhin.

La technologie du compteur contestée
« Dans ma commune, 80 % des administrés se sont prononcés contre l’installation du compteur Linky, explique Jeanne Stoltz-Nawrot, maire d’Husseren-Wesserling. Les élus adhérents à l’association ne sont pas forcément opposés au développement d’un “smart grid” [un réseau électrique « intelligent », pour optimiser la distribution, NDLR]. Le problème, c’est la technologie : nous refusons en bloc le choix du Linky« .

Alain Grieneisen, le maire de Burnhaupt-le-Bas, déplore : « Il existe des solutions certes plus onéreuses, mais aussi plus fiables. Malheureusement, Enedis est engagé dans une fuite en avant. »

Bertrand Ivain décrit la situation qui a conduit à la naissance de l’association : « Depuis au moins deux ans, nous sommes confrontés au mécontentement de nos administrés. Linky, c’est un élément de plus qui alimente la colère qu’on voit poindre partout. ». Les élus relatent des cas dans lesquels les sous-traitants d’Enedis n’ont pas respecté une propriété privée, ou ont installé des compteurs en dépit d’une délibération municipale opposée, sans que le passage du maire ou l’intervention des brigades vertes ne permettent de stopper les travaux. Ils évoquent des cas de « souffrance » parmi les citoyens et dénoncent une « forme de violence ». « Mettre une telle pression sur les gens, c’est inacceptable, témoigne un élu. On tourne les choses comme on veut pour faire du business. »

Les pressions s’exercent aussi sur les élus, selon Bertrand Ivain : « Il peut arriver qu’Enedis empêche la commune de bénéficier des subventions pour l’enfouissement des réseaux électriques octroyées par le Syndicat d’électricité et de gaz du Rhin, alors que la décision a été actée en séance plénière. » Pour les élus réunis en association, Enedis, « en continuant à avancer à toute allure, foule aux pieds le droit et la démocratie. »

« Porter la voix des citoyens »
Alain Grieneisen résume l’enjeu : « Les éléments de langage d’Enedis se retrouvent jusque dans l’Association des maires du Haut-Rhin. Nous ne faisons pas le poids face à des cabinets d’avocats. Notre rassemblement va nous permettre de nous faire connaître de tous les maires, de fédérer, de mutualiser. Quand on est plus nombreux, on peut se faire entendre. » Le conseil collégial de l’association « doit permettre aux élus de s’entraider face aux attaques juridiques d’Enedis et de l’État français […], de contre-attaquer […] et de porter la voix des citoyens« , précisent les statuts.

Économiques, sanitaires ou environnementaux, les arguments avancés par les opposants au déploiement obligatoire du compteur ne manquent pas. « Les usagers vont être spoliés de droits élémentaires, avec un dispositif qui va potentiellement les rendre malades et, par son coût, va accroître leur précarité« , résume Bertrand Ivain.

Fabien Ulmann, le maire de Seppois-le-Haut, complète : « La Cour des comptes a épinglé le coût de l’opération, qui rapportera à Enedis environ 500 millions d’euros. Linky permettra aussi à terme à l’État de recueillir une nouvelle taxe déjà créée, la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques)« .

Jeanne Stoltz-Nawrot dénonce « une hérésie du point de vue environnemental » et « l’obsolescence programmée du compteur« . La vulnérabilité des données privées est également au centre des préoccupations.

« N’oublions pas que les élus sont en première ligne, rappelle Alain Grieneisen. Actuellement, aucune assurance ne couvre les effets des ondes électromagnétiques. En cas de conséquences sanitaires, les communes devront compenser sur leurs revenus propres. » Les élus de l’association appellent leurs pairs du Haut-Rhin et des départements limitrophes à les rejoindre, en prenant contact avec eux.

Romain GASCON
L’Alsace du 20 décembre 2018